L’exposition De Profundis est une tentative de dialogue à l’issue incertaine. Ou disons plutôt : un dialogue dont le souffle intime serait indécis, en étude permanente de lui même.
De l’échange épistolaire des œuvres de Daria Surovsteva, de Muriel G. Masson, de Philippe Bréson et de Vincent Descotils, s’esquisse une recherche des profondeurs, une recherche comme un canto orphelin, présente en chacune mais indépendante de toutes.
Dans le prolongement de la confrontation des pratiques artistiques entre elles (sculpture, peinture et photographie), l’abstraction et le figuratif s’examinent et se confondent avec la même interrogation qu’articule la dualité du vivant et de l’inerte.
L’éclatement des formes, dans son magma nébuleux, se fait vision souterraine du corps, là où le corps s’efface tel un souvenir, ou un fantasme, vers ce qui l’a précédé.
Le vivant scrute ce qui est mort et l’inerte imagine le vivant, nous propose de le réinventer, de remoduler son enveloppe charnelle et ce qui le hante. Ce qui le hante, c’est-à-dire l’énergie cryptique qui ouvre l’image, à travers fissures et cavités (stigmates) ; elle en fait un codage qui comme la fractale de la roche, a oublié son message.
L’exposition serait une sorte de spéléologie de la mémoire. Se rappeler de ce qui vient des profondeurs. Mais quoi, exactement ? Peut être ce que le langage tait mais que les psaumes crient quand les racines n’en murmurent pas inlassablement l’écho. Elle serait le rêve de l’en dessous, noir et blanc, en négatif.
Faire le pari que ce qui semble endormi dans l’abîme est aussi ce qui enfièvre nos veines, impalpable mais bien alerte.
Hannibal Volkoff
DE PROFUNDIS
Il y a un champ de chaumes, dans lequel tombe
Une pluie noire.
Il y a un arbre brun qui est là, seul, debout.
Il y a un vent qui siffle et qui cerne des cabanes vides
– Comme ce soir est triste.
Près du hameau la douce orpheline
Ramasse encore en passant de rares épis
Ses yeux paissent ronds et dorés dans le crépuscule
Et son sein attend le céleste fiancé.
Au retour
Les bergers ont trouvé son tendre corps
Pourri dans le buisson d’épines.
Je suis une ombre loin de sombres villages.
Le silence de Dieu
Je l’ai bu dans la fontaine du hallier.
Sur mon front passe du métal froid.
Des araignées cherchent mon cœur.
Il y a une lumière qui s’éteint dans ma bouche.
La nuit je me suis trouvé sur une lande,
Pétrifié par les excréments et la poussière des étoiles.
Dans le taillis de noisetiers
Résonnaient à nouveau des anges de cristal.
Georg Trakl, traduction de Marc Petit et de Jean Claude Schneider