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Artiste(s)

Marie-Pierre Brunel
Sophie Burbaloff
Fabienne Houzé-Ricard
Raphaël Tachdjian

Lieu d’exposition

20 Rue des Gravilliers,
75003 Paris

Galerie Hors Champs, Paris
27 avril 2024 au 30 mai 2024
Vernissage le : 27 avril 2024

Cette nuit du sacrifice – au fond des bois…

Peintures, dessins, pastels, pierre noire, graphite

« Cette nuit du sacrifice –au fond des bois » est le titre d’une histoire, d’un film ou d’un livre, sortie de l’imagination d’un créateur anonyme. Il accompagne, pour son affiche ou sa couverture, l’image de sapins enneigés dont l’horizon se laisse envahir par une épaisse brume, comme s’il appelait cette dernière, complice, afin de camoufler ses secrets. Quelle nuit, quel sacrifice, se cachent donc dans la progressive dissimulation de la forêt ?

Ce que propose cette exposition est un jeu de pistes, d’associations, entre les dessins et peintures de Marie-Pierre Brunel, Sophie Burbaloff, Fabienne Houzé-Ricard et Raphaël Tachdjian, comme pour trouver les indices de la trame inconnue d’un récit imaginaire. Elle est en quelque sorte une bande-annonce.

Cette nuit du sacrifice - au fond des bois
Sophie Burbaloff, « Grandes vacances » Pastel sur papier 40 x 40 cm, 2023

L’œuvre de Sophie Burbaloff, spécialisée dans le pastel, pose le décor et les personnages principaux. Au milieu des arbres ondoyants, baignant dans le délicat silence de leur paysage, nous voyons ce qui nous semble être une famille : des enfants, deux adolescents, et une adulte, très certainement la mère. Cette dernière, tout comme l’un des enfants, est endormie, et de son sommeil se tisse un rêve de fleurs. Leurs traits eux-mêmes, presque toujours laissés en suspend, semblent avoir l’évanescence du songe, d’un songe fragile en pleine élaboration, hésitant à s’achever. Cette famille a la beauté d’une image d’Epinal, idéale, chaleureuse, bercée par la douceur de sa peau de pastel.

Cette nuit du sacrifice - au fond des bois
Fabienne Houzé-Ricard, « Oiseau n° 15 » Acrylique sur toile 146 x 97 cm, 2020

La douceur du tableau est évidemment un appel à son ébranlement. L’agitation arrive par les peintures à l’acrylique de Fabienne Houzé-Ricard, représentant des oiseaux morts, très détaillés. Ce pourrait être eux, les victimes du sacrifice. Il est conseillé dans le Lévitique, si l’on manque de brebis ou de chèvre, d’en mettre deux à mort afin de quémander à Dieu son pardon. Mais cela pose plusieurs questions : quel crime a été commis qui nécessiterait cette expiation –et pourquoi y a-t-il trois oiseaux plutôt que deux ? Ces derniers sont toujours peints de dos ; on n’en voit jamais la face comme s’ils se refusaient à la révélation (la série dont ils sont tirés s’appelle justement « Les empêchés »), et chacune a une aile plus levée que l’autre, comme si elle pointait de la plume le signe nous permettant de trouver le coupable.

Cette nuit du sacrifice - au fond des bois
Martie-Pierre Brunel, « Low passiflore » Acrylique et craie sur toile 97 x 130 cm, 2022

La peinture à l’acrylique et à la craie de Marie-Pierre Brunel pourrait être un indice. Une femme en chignon et robe blanche, presque cérémoniale, est agenouillée devant un oiseau mort. Mais elle pourrait n’être que spectatrice. Ce que nous notons surtout, c’est la
dimension onirique des montagnes autour d’elle –et l’incendie au loin. Cette peinture est tirée d’une série, « Ecorce », représentant une communauté de femmes que nous pourrions apparenter à des sorcières, en rituel dans la forêt. Le tableau se nomme « Low passiflore » : la passiflore est la fleur de la passion, dit-on, encore faut-il savoir de quelle passion (de quel incendie) il
s’agit. Nous lisons aussi, dans les textes ésotériques, qu’elle préserve contre le mal : si Marie-Pierre Brunel juge ses fleurs faibles, c’est bien parce qu’elles ont échoué à vaincre le mal.

Cette nuit du sacrifice - au fond des bois
Raphaël Tachdjian, « Piou piou » Pierre noire et graphite sur papier 50 x 65 cm, 2019

Alors, puisque le mal a été invoqué, qu’en est-il de notre famille ? Les dessins à la pierre noire et au graphite de Raphaël Tachdjian évoquent ce que l’on nommerait, dans notre récit, les péripéties. Toujours de nuit, entre l’intérieur confortable de la maison et le pernicieux et obscur regard du dehors, ces dessins ne montrent que des enfants en liberté dans un monde où les adultes n’existent plus. Une seule figure adulte est présente : c’est une femme endormie que l’on soupçonne être la mère, mais nous la pressentons cette fois-ci en danger. Les gosses de Raphaël Tachdjian sont tout sauf rassurants, et prennent possession du territoire déguisés en monstres, ou armés, ou encore dans une nudité provocante. Des cadavres se devinent (les adolescents ?), l’incendie se propage au sein-même de la maison et l’on surprend au loin une scène de lévitation…

Des enfants sauvages, venus de la forêt, auraient-ils sacrifié les oiseaux comme une menace pour le foyer bientôt envahi ? Ou était-ce une malédiction pour posséder les enfants de cette famille dont les murmures de la forêt auront appris à jouer à la fin du monde ?  On peu aussi émettre l’idée d’un partage de rêves, et d’un sommeil qui peut-être s’immisce dans le réel…

D’autres récits peuvent se proposer. L’exposition ne donnera pas la réponse, une bande-annonce se doit de ne pas tout dire. Elle se contentera d’aiguiser vos propres histoires et d’attiser vos suggestions. C’est par cela que résonne ce qu’il se passe au fond des bois obscurs : le grondement de nos fantasmes nocturnes.

Hannibal Volkoff

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