A l’origine de l’exposition « Les échappées », il y a cette histoire racontée par Sion Sono. Une femme au foyer sort de chez elle pour déposer ses sacs poubelles dans une benne à ordures. Mais le camion démarre sans qu’elle en ait eu le temps. Il s’arrête un peu plus loin pour ramasser d’autres ordures, elle court donc pour le rattraper. Mais la berne redémarre et elle la loupe à nouveau, l’obligeant à courir encore et encore. Le petit jeu se poursuit jusqu’à ce qu’elle se retrouve dans un quartier qu’elle ne connaît pas du tout.
La femme s’arrête soudain et réfléchit au chemin parcouru, non pas de chez elle à ce quartier inconnu, mais à la vie qu’elle a menée jusque là. Elle décide alors de jeter ses poubelles et s’en va. Où ? On ne le saura pas…
Les œuvres de Raphaël Neal, Elena Moaty, Faustine Ferrer et Fred MARS Landois sont autant de variations de cette histoire, et plus précisément de ce point de rupture où soudainement ce qui nous entoure devient étranger. De l’ordinaire un filtre insolite s’ajoute, parfois imperceptible, comme un appel, comme de nouvelles potentialités naissant de nulle part – ou de partout, des éléments faisant corps. Le quotidien devient une contrée lointaine, cela peut terrasser, on peut aussi s’y abandonner et même en jouir. Il s’agit avant tout d’une acceptation. En passant par cet instant de solitude (de nudité) où l’inconnu nous force à se retrouver seul face à soi, accepter l’autre en soi qui meurt et naît en même temps
On peut aussi penser à un somnambule qui se réveille dans un lieu inhabituel, et qui se demande quel inconnu intérieur, quelle histoire tramée dans son inconscient l’y ont conduit. Ce conte de l’échappée est un vivoir de contes dont le décalage (et c’est toujours là son but) a le vertige des possibilités infinies.
Hannibal Volkoff