Catherine Ludeau est la principale peintre française spécialisée dans la résine. Pour l’exposition de cette année à la Galerie Hors-Champs, la sélection des œuvres s’est orchestrée sur le thème de l’éclipse, c’est-à-dire par le passage d’une forme sur une autre, occultant sa lumière, consommant sa couleur, troublant sa texture. De quelle mélodie cet orchestre se fait-il l’interprète ? Là où plusieurs des précédentes expositions affirmaient l’immobilité, nous assistons cette fois-ci à une composition en mouvement –mais que nous identifierons à des tonalités spectrales, sans âge, d’une profondeur sans nom, flottant après la note, nébuleuses avant le figuratif –ou à l’ambiant musique dont le nom est tiré du mot latin « ambire », tourner autour ; nous sommes bien là dans l’invasion, l’éclipse.
Musique spectrale : des notes, des peintures fantomatiques vrombissant le lointain. Une éclipse peut aussi être une manière de se protéger de vos regards.
Les peintures de Catherine Ludeau sont abstraites et généralement monochromes, de formes sphériques et rectangulaires. On émerge dans la couleur par ses dégradés formés par le poids de la résine sur la toile. De nombreuses images peuvent s’évoquer à leur vision, de l’océan lovecraftien aux doux lagons pour les œuvres bleues, du ronronnement d’un volcan endormi à l’éclipse de sang pour les œuvres ambrées ; elles se refusent pourtant à ces suggestions. Ces peintures sont des blasons, un étendard de ce qui en nous – en nos « mots entravés » – n’existe plus. Des vestiges d’une éternité perdue et pourtant toujours là, endormie en un magma intérieur, berçant nos nuits avec la distance de l’étranger, d’un horizon inaccessible et autosuffisant. Ils ne disent rien, et nous soupçonnons en ce rien nos souvenirs impossibles de l’accueil pur du monde, celui de la naissance, quand rien n’est encore défini. Ainsi les peintures de Catherine Ludeau porteraient en elles la répétition de cette naissance, encore et encore, tournoyant dans la laque éthérée des sphères de résine. A défaut de pouvoir dialoguer avec leur absence de langage, nous en apprécierons la poésie, et peut-être la dynamique de cette dernière, la « force qui rend le monde neuf ».