Catherine Ludeau est la principale peintre de résine en France. Sur une toile blanche, la peinture se déverse et peu à peu conquiert son territoire jusqu’à, une fois sèche et dure, devenir une forme généralement sphérique. Sa matière possède la brillance, la douceur lisse et vernie de la résine, mais reste composée d’une discrète constellation de textures internes, poreuses, bulles prisonnières comme une faune recluse sous la surface.
Cette peinture fait poids sur la toile : après la vague élancée contre l’espace vierge, dessinant les contours de son apparition, elle retourne sur elle-même en un doux ressac, une marée descendante qui concentre la couleur en son centre et l’assombrit. Le dégradé de la couleur donne au tableau une étonnante impression de profondeur comme s’il contenait un regard. Il s’agit ensuite de mêler plusieurs dégradés et de les faire communiquer dans un ensemble commun. Les variations du plus clair au plus foncé se confrontent dans leur opposition et élaborent de nouveaux motifs que l’on pourrait rapprocher de l’héraldique.
L’exposition actuelle se nomme « Monolithes » pour encourager le spectateur à emprunter une approche cosmique, en identifiant les écussons de Catherine Ludeau à ces apparitions de 2001 l‘Odyssée de l’espace. La contemplation de sa peinture, en effet, amène le regard à s’immerger, voire à se laisser aspirer vers les zones les plus foncées de la toile qui deviennent un espace de déplacement interne -vers les tréfonds sombres, le plus lointain, l’inconscient alors. Il est utile de rappeler que la fascination astronomique contient toujours en elle du symbolisme existentiel. Au plus loin des étoiles, « ceci, qui est le plus loin de toi, ceci qui est le plus informe », donc cette voix à l’intérieur qui nous reste étrangère mais qui nous constitue. Et nos reflets dans la résine se déforment, nos sens se brouillent, nous sommes pris par l’impression d’être vus à notre tour. Dans 2001, l‘Odyssée de l’espace, nous ne pouvons affirmer dans quelle mesure le monolithe est une entité vivante. Il se manifeste néanmoins pour transmettre. Nous ne savons rien de lui tout comme nous ne savons rien d’autre que des hypothèses des menhirs érigés par nos ancêtres. Ce que le monolithe porte reste dans les profondeurs, devient la profondeur en tant que telle avec les projections, l’imagination qu’elle engendre.
Hannibal Volkoff