Depuis un demi-siècle, l’art de la pochette de disque impose sa créativité aux yeux du monde et a fini par acquérir un statut qui lui est propre dans le milieu de l’art contemporain. La reconnaissance n’était pas acquise quand on sait le désintérêt longtemps accordé aux arts dits « impurs », c’est-à-dire ceux qui sont voués au service d’un autre dans un Marché qui, à priori, n’est pas dédié aux galeries. Pourtant, à partir de l’art pop, on sait à quel point cette pratique visuelle (ordinairement associée au domaine du « graphisme ») a su justifier la place qui lui est due, non seulement par sa recherche formelle, mais aussi par son extraordinaire capacité à accompagner, voir même à incarner, à la manière des icônes, les mouvements sociaux et culturels populaires.
L’apogée créative des pochettes de disque se situe à partir de la fin des années 60 et tout au long des années 70. Si l’artiste plasticien Leif Podhajsky dispose actuellement d’une telle notoriété, cela découle certainement du soudain intérêt porté par les nouvelles générations pour le psychédélisme. Rien d’étonnant à ce qu’en période de crise, les populations inquiètes s’adonnent à l’art de l’échappée par excellence, puisant ses inspirations dans les perceptions nouvelles et sensorielles qu’éclot la drogue, empreinte de nostalgie (le psychédélisme étant un mouvement des années 60-70) mais pourtant intrinsèquement intemporelle (puisque basée sur une expérience intérieure).
Ecran coloré des « paradis artificiels », le psychédélisme ne pouvait que trouver dans l’art numérique un berceau d’expression tout indiqué. On pourrait en effet définir l’art numérique comme l’art plastique sans matière, dont les images aux possibilités infinies sont les métamorphoses d’un réel « retouché », ou émergent, pures, de programmes informatiques -comme les images du psychédélisme émergent des drogues. L’écran est une porte, la projection en est la clef, l’invitation au voyage.
L’œuvre de Leif Podhajsky possède un lexique iconographique qui, bien qu’il ait été trop souvent réutilisé par maints artistes populaires, lui est très personnel. Il est composé de jeux de symétrie, d’effets miroirs ou de répétitions comme l’écho d’une vision engloutie dans ses entrailles. Chacune de ses impressions se construit sur un dialogue interne, interrogeant l’infini qui la structure dans la toile ou dans ses variations en un système que l’on pourrait rapprocher de la théorie du « mouvement perpétuel » : clôt et illimité en même temps, nourrit par sa propre source d’énergie.
C’est sur la base de cet impossible que l’univers de Podhajsky s’édifie. L’impossible est la condition du nouveau regard recherché : il s’agit de mettre à mal le réel, de l’ouvrir comme une porte organique pour en découvrir la force intérieure qui l’actionne. Ainsi, on peut parler d’une approche mystique, ou même religieuse, puisque au sein de cette iconographie se manifestent de nombreux symboles au sens inconnu mais que l’on soupçonne proches d’un langage théologique.
Si la liturgie de cette messe des formes peut sembler indéchiffrable, son effet sensoriel est pourtant immédiat. Couleurs flamboyantes ou noir et blanc lunaire, entrelacs de flux liquides ou gazeux, paysages hallucinés, silhouettes animales devenant constellation ou spirales de fleurs envahissant le firmament, l’univers entier se rêve soudainement dans une synergie illuminée. Peut être celle, ancestrale, d’avant le « péché originel »…
Quant à l’humain, sa présence dans les images de Leif Podhajsky est quasiment inexistante : elle procède de l’événement qui naît de la contemplation visionnaire. De la procréation des éléments, des formes, des arts entre eux, c’est dans l’œil du spectateur qu’un équilibre synestésique s’opère. Pour lui le temps se plie, comme une voix, avec la vitalité d’une naissance permanente.
Hannibal Volkoff
A GLASS OF AYAHUASCA
by Allen Ginsberg
« in my hotel room overlooking Desamparados’ Clanging Clock,
with the french balcony doors closed, and luminescent fixture out
« my room took on a near eastern aspect » that is I was reminded of Burroughs
with heart beating—and the blue wall of Polynesian Whorehouse, and
mirror framed in black as if in Black Bamboo-and wooden slated floor
and I in my bed, waiting, and slowly drifting away
but still thinking in my body till my body turned to passive wood
and my soul rocked back & forth preparing to slide out on eternal journey
backwards from my head in the dark
An hour, realizing the possible change in consciousness
that the Soul is independent of the body and its death
and that the Soul is not Me, it is the wholly other « whisper of consciousness »
from Above, Beyond, Afuera—
till I realize it existed in all its splendor in the Ideal or Imaginary
Toward which the me will travel when the body goes to the sands of Chancay (…) »
Lima, Peru
1960