Se souvenir des nébuleuses et tisser leur romance, poussant de nœuds et de carrefours.
Les dessins d’Iris Gallarotti débutent toujours par le centre du papier. On pourrait l’appeler l’embryon, dont l’organisme se développe à travers sa main. La construction de ce corps s’opère de différentes façons, parfois par de grandes lignes envahissant le papier avant d’être empli d’organes, parfois détail par détail, pore par pore, dans l’attente indécise du rendu final.
Ces lignes, ces détails, sont un amoncellement de points. Iris Gallarotti s’est inspirée de la pratique du dessin botanique selon lequel les motifs se forment avec des points, comme des pas, comme des cellules s’ajoutant les unes aux autres. Elle parle régulièrement de morphogenèse, de la création d’une espèce vivante, mais elle ne veut pas définir cette espèce qui peut autant évoquer la plante que les entrailles d’un corps, la surface d’un animal improbable ou les parois d’une cité impossible.
Ce qui lui importe est le processus d’agglomération par lequel les réseaux se déploient, le dédale labyrinthique de filaments qui ne cessent de conquérir l’espace, de s’hybrider, de danser son lacis tracé instinctivement. Iris Gallarotti se laisse surprendre par le cheminement du dessin. Parfois les lignes ne sont pas pointées de manière assidue, on sent qu’une nouvelle tige, une nouvelle profondeur, pourraient débuter à tout moment. Cette multiplicité des possibles est pourtant maîtrisée avec précision afin de faire respirer l’ensemble de la structure dans son potentiel onirique de perpétuelle transformation.
La métamorphose est aussi la sève du travail photographique de Melody Seiwert. Entre deux plaques de verre, l’artiste dépose de la matière d’origine florale. Mois après mois, année après année, la vie commence à se développer au sein de cette matière, bactéries et champignons prennent peu à peu possession de l’espace libre et, réagissant à leur environnement (lumière, chaleur, etc…) un nouvel écosystème se crée.
Melody Seiwert va photographier les différentes étapes de l’évolution aléatoire des micro-organismes dans leur expansion, selon les formes qu’ils adoptent, les directions et textures qu’ils acquièrent. Se focaliser sur la vie microscopique réussissant malgré tout à éclore d’un espace réfractaire, à ressurgir d’éléments morts, lui permet d’aborder la dynamique souterraine soutenant toute pulsion de vie.
Les photographies sont ensuite inversées afin de donner ce rendu noir et blanc, de matières scintillantes dans l’obscurité. Inversion des luminosités, inversion de la mort à la vie, mais aussi de l’infiniment petit à l’infiniment grand, jusqu’à évoquer les contrées galactiques. Les lignes s’élèvent, composées de tâches lumineuses à la manière d’étoiles, toutes liées entre elles comme si elles se nourrissaient du même Big Bang, interagissant en un système comme l’organisme d’un paysage céleste.
L’exposition passe du végétal à la cosmologie, mais aussi, finalement, de la cosmologie au corps humain. Les dessins d’Iris Gallarotti se répandent sur des tirages photographiques dont ils recouvrent visages, mains, jambes etc… Selon les séries, le corps recouvert semble doucement accompagné, protégé comme par une armure, ou parfois menacé, submergé par une attaque évoquant celle d’un alien : nous approchons là de l’astrologie, par laquelle l’être humain est défini par des signes, des codes inscrits dans l’au-delà.
Et chez Melody Seiwert, un autoportrait achève l’exposition, composé à partir d’un papier photosensible posé sur son visage. Ce visage ressemble à une empreinte lunaire, sur laquelle de mystérieux déplacements se seraient produits. L’œil est fermé, la bouche entrouverte : elle semble aspirer ce fourmillement qui la compose en la rattachant à ce qui l’a précédée et en l’évoluant encore et encore dans une sereine mutation, faite de l’aspiration autant que du souvenir des nébuleuses.
Hannibal Volkoff