Sur les îles du Frioul, le calcaire brûle sous les agaves dressées comme des temples. Les oponces saignent au soleil, et cognent contre le rivage. Les pins, plaqués au creux des éboulis, dégagent des parfums de foutre et de résine. C’est là qu’on bande et s’abandonne face à la baie de Marseille.
Dans cette garrigue chaude, j’invite Tom de Pékin et Hannibal Volkoff à raconter ensemble des récits pédés, déterrer les fantasmes souterrains sur des territoires tendres, et ouvrir des marges nouvelles.
Si, avec Tom, on vient de générations différentes, nés respectivement avant et après les années sida, on s’obstine comme des ermites à documenter le désir, les vieux désirs cachés au fond des grottes, au creux des bosquets, pour raviver la mémoire de nos ancêtres trans, pédées, gouines, et continuer de faire battre nos luttes au creux des terrains vagues, au fond des palais brulants, au bord des plages rouillées.
A partir d’archives, on ouvre des jardins où on s’aime et s’enlace au bord de la nuit, où on se fraie des chemins et des clairières sur des contrées émouvantes et obscènes.
Des herbiers, des gouaches, des eaux-fortes dorées, autant de petites fenêtres, de chapelles, pour se recueillir et bander joyeusement avec le paysage.
Les photos d’Hannibal nous emmènent vers des désirs enfouis sous les forêts épaisses, une série-reportage où on suit les sentiers rugueux des sexualités hard et déviantes. Les corps, percés de clous et d’aiguilles, nous émeuvent comme des ruines. Ils ont la profondeur des tableaux champêtres, où filent des ruisseaux sous des châteaux effondrés.
Lazare Lazarus
Cette exposition autour de plusieurs rencontres, part du ciel, de la mer, de la chaleur, du temps présent, du temps passé, afin de découvrir ce qui se passe en nous, un sentiment de plénitude confronté à la densité de nos désirs. C’est un dialogue, d’images, de représentations, un déplacement entre nos corps et le paysage, le corps qui devient paysage, une histoire d’affiliation organisée par la géographie des lieux et des espaces rythmée par toute cette décharge d’émotion qu’ils nous procurent. Une forme d’écrin de moments tendres qui sont passés ou à venir.
Tom de Pékin