En cet anniversaire de nos 12 ans, c’est le souvenir de tant d’images, de rencontres, d’alchimies et d’éruptions qui s’entremêlent en nos têtes, que la composition de son exposition ne pouvait que s’épanouir par ce même entremêlement.
A l’appel de ces souvenirs, dans la logique de ses entrelacements, c’est par celui de leurs corps, formes, gestes, médiums, que la Galerie Hors-Champs enfante l’agape artistique de sa nubilité.
La nubilité se définit par ce moment où l’on arrive à l’âge de se marier. Mais la monogamie n’est pas affaire de galerie, cette dernière portant toujours, en plus de ce qui la lie aux artistes, une troisième présence qui est celle des spectateurs. C’est peut-être avec un léger sens de provocation que l’exposition d’anniversaire se nomme « Partouze ». En ces temps où le désir en premier lieu ne s’exprime publiquement que par les témoignages d’oppression, il nous a semblé qu’une galerie pouvait aussi être un espace où il s’explore dans un dialogue de multiples voix chantonnant leur jouissance, leur mystère, la richesse de leurs mémoires.
Le désir non pas uniquement d’un individu pour un autre mais globalement comme une force liant les corps entre eux. Les œuvres de l’exposition abordent la genèse de l’attirance, sa rencontre, ses pratiques et infiltrations bariolées, parfois sa folie, jusqu’à la parodie, parfois son animisme ou encore sa misère.
Les œuvres sont des peintures à l’huile, des photographies, numériques ou polaroïds, et des dessins au crayon ou à l’encre, au pastel et à la terre, au feutre et à l’alcool, ou encore à partir de cheveux. Elles représentent des actes sexuels, entre humains, animaux, objets, de manière réaliste ou onirique, jusqu’à l’abstrait qu’évoque en nos corps cet oubli de soi tant recherché par la jouissance. Ces actes s’inscrivent toujours dans l’idée de témoignage : l’accueil d’un autre pouvant attester de ce qui se réunit, de ce qui se joue dans ces corps étrangers comme genèse d’un nouveau corps, et de ce qui s’altère comme tombeau, celui de ce qui en nous faisait manque, puis, par la décompression, par le retour de ce manque, de ce qui en nous aurait fait totalité. Ce corps autre devient le nôtre puisqu’il dit notre désir. En l’alliage de chacune de ces œuvres, de chacun de ces membres interpénétrant leurs histoires, l’exposition se propose ainsi de prendre la forme du désir : une chimère incandescente brûlant de l’intérieur, portée par la métamorphose, sa mise en scène des flux et des fusions gémissant sur nos peaux son « savoir du non-savoir ».
Ce corps chimérique garant de la complétude, en psychanalyse, est nommé La Chose (Das Ding). L’art est ce qui nous permet de tracer une esquisse, un vertige, un rêve de cet inter-dit.
Hannibal Volkoff