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Léolo Victor-Pujebet
Léolo Victor-Pujebet vit et travaille à Paris. Il fait de la création un territoire indocile où désir, politique, amitié, sexualité, disparition et mémoire se contaminent. Son travail interroge les zones liminales : entre fiction et documentaire, entre pornographie et romantisme, entre l’image et le corps, le fantasme et sa représentation.
Depuis sa rencontre avec Mathieu Morel en 2014, se dessine une œuvre à deux voix, indissociable de l’amour, de la fabrication artisanale et d’une idée exigeante du romantisme. « Pirates queer des années 2000 » selon les Inrocks, « les deux artistes s’aiment, travaillent ensemble et inscrivent leurs films respectifs dans le pan le plus subversif du cinéma gay. »
Dans les films de Mathieu – La Belle et la Bête, The Deep Queer Massacre, Frankenstein (Bound My Heart), Anapidae (appelle-moi) – Léolo cadre, éclaire, performe. Dans les films de Léolo, Mathieu devient acteur, monteur et complice, figure centrale ou prolongement. Leurs créations reposent sur une interdépendance radicale, loin des rôles fonctionnels, dans une logique d’activation mutuelle.
Le travail plastique de Léolo s’ancre dans une pratique de l’image blessée : photographies collectées, détournées, archivées, transformées. Léolo est un photographe prolifique, collectionneur de clichés érotiques amateurs, il engage un travail plastique sur la frontière entre érotisme et pornographie, entre obscénité et grâce. Il compose avec le négatif, la couleur, la superposition, les papiers industriels, les déchirures, les grattages et les collages pour faire de l’image une matière, une mémoire.
« Représenter une image pornographique telle que mon esprit la reçoit. Figurer le fantasme qui en découle. Manoeuvrer cette image comme un corps. Dépositiver chaque cliché pour en inverser la forme, dissoudre l’évident, apprivoiser le séditieux. »
Sa série Une idée du mâle, initiée en 2021, interroge la fabrique du fantasme et l’histoire homosexuelle clandestine. Corps fragmentés, séparés, saturés, arrachés à leur contexte – le regard y laisse une blessure. À travers une centaine d’œuvres, Léolo questionne la représentation des corps gays, les mots qui les nomment ou les mutilent, les peurs sourdes, les interdits, les désirs politiques.
Il a exposé à trois reprises à la galerie berlinoise We Are Village : Une idée du mâle (solo show, 2022), I Will Never Know Who You Are (exposition collective, 2023) – accompagnée d’un film sur une obsession fantôme, née d’un teaser pornographique adolescent jamais retrouvé – Back to the Room (exposition collective, 2025), née de sa première expérience en backroom, à peine majeur, où la photographie devient une manière de survivre à la peur du réel.
En 2025, I Will Never Know Who You Are est également présenté dans l’exposition Et Gaultier créa l’homme, célébrant les 30 ans du parfum Le Mâle dans le quartier général du grand couturier. Geste d’appropriation à l’intérieur même d’un imaginaire gay devenu normatif.
Au cinéma Léolo développe une pratique expérimentale souvent performative. Il y engage son propre corps, sa voix, son regard. Dans The Day I’ve Been Fucked in Front of the Entire World (2021), il médite une scène pornographique dans laquelle il a performé : la vidéo brute devient poème visuel, réappropriation en lumière. Présenté à la Cinémathèque française, au Silencio, au Fresnoy et dans plusieurs festivals internationaux, le film affirme une esthétique du retournement.
Libération y voit « des ébats réduits à l’état de poésie brûlante », et souligne « l’idée même que le cinéma, en ce qu’il propose de mutations nombreuses à l’image, nous donne l’occasion de se vivre autrement, de reprendre le contrôle sur nos corps surveillés. »
En 2022, il réalise Le Corps du Délit, long métrage radical-romantique, autoproduit, tourné hors circuit, sans visa, avec une caméra dans la main et une idée dans la tête – selon la formule de Glauber Rocha. Le film croise entretiens réels avec des victimes de violences policières et fiction politique. Inspiré par son ami Geoffroy de Lagasnerie (qui prête sa voix au film), Ulrike Meinhof et Jean Genet, Le Corps du Délit interroge les formes de dissidences et les représentations du corps subversif. Mathieu Morel y incarne la figure centrale, jeune militant broyé par l’appareil judiciaire, aux côtés de Denis Lavant, Bertrand Bonello, Mathieu Carrière et Éric Genovèse de la Comédie-Française. Le film a été présenté à la Cinémathèque française, à la Villa Arson, et dans de nombreux festivals d’avant-garde.
Avec Mathieu, il fonde HORSCHAMP, structure mutante, à la fois scène, laboratoire et chambre d’échos. Ils y invitent des figures du cinéma, de la photographie et de la pensée contemporaine : Alejandro Jodorowsky, Larry Clark, Raymond Depardon, Agniezka Holland, Harmony Korine, Didier Eribon, Miguel Gomes, Tiphaine Lagarde, Sébastien Lifshitz, Jean-Gabriel Périot, Lolita Pille, Wang Bing, Thomas Vinterberg, Wakefield Poole… À travers des cycles, projections, masterclasses, entretiens, ils composent une autre cartographie du regard.
Au Forum des Images, ils conçoivent et animent en 2021 Une idée du mâle, un cours-manifeste sur l’imaginaire homosexuel au cinéma, entre clandestinité, impureté et puissance du fantasme.
Léolo a également collaboré étroitement avec Christophe Honoré : scripte sur Chambre 212, assistant sur Guermantes, directeur de casting sur Le Lycéen et Marcello Mio, il l’assiste aussi dans ses pièces de théâtre, opéras et clips. Il a aussi été scripte et photographe de plateau pour Romane Bohringer et Fabienne Berthaud, assistant personnel de Bruce LaBruce. Il performe aux côtés de Mathieu Morel dans The Visitor, présenté à la Berlinale en 2024.
En septembre 2025, il présente sa première exposition personnelle à Paris : L’Œillet Vert, à la Galerie Hors Champs. Cette exposition réunit des œuvres issues de ses précédentes séries ainsi que des pièces inédites, construites sur la superposition de corps masculins issus de générations et d’époques différentes – comme une orgie anachronique, une tentative de faire se rencontrer les corps séparés par l’Histoire. Une archéologie amoureuse et spéculative.
Actuellement, il développe un triptyque documentaire composé de trois portraits expérimentaux : un film sur le cinéaste Bertrand Bonello, un portrait du philosophe Geoffroy de Lagasnerie (avec la participation d’Édouard Louis, Emmanuelle Béart, Rachida Brakni) et un film autour du peintre Simon Buret.